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Clément Thoby

par | Mai 22, 2021

L’intensité du crayon de couleur

| Son dessin est figuratif, presque réaliste, mais ses croquis laissent toujours transparaître la force expressive et le charme irrégulier du crayon de couleur.

Originaire de Nantes où il grandit, c’est d’abord vers le dessin de mode que se tournent les rêves d’enfant de Clément Thoby. En regardant les documentaires de Marc Jacobs et Karl Lagerfeld, il découvre les métiers de la création en haute couture et notamment le métier de dessinateur de mode. L’idée fait son chemin et à l’approche du lycée Clément Thoby entame une négociation avec ses parents afin de s’orienter vers un métier créatif. À défaut d’entrer dans une filière artistique, il quitte sa filière scientifique pour se rapprocher de l’art par la littérature.

Ce n’est que le bac en poche qu’il se consacre entièrement au dessin. Il entre MANAA à Paris, l’année de mise à niveau qui donne accès aux écoles d’art. Plutôt que de confirmer son intuition première pour la mode, la richesse des cours et la diversité des techniques lui ouvrent de nouvelles perspectives. Le cinéma, le dessin animé, il existe de nombreuses autres voies que la mode pour vivre du dessin. C’est donc le DMA cinéma d’animation Sainte Geneviève qui l’accueille et le prépare à l’Ecole des Métiers d’Animation (EMCA), où il se découvre plus sensible dans la conception des décors plutôt que dans l’animation des personnages. La troisième année est consacrée au film de fin d’étude qui couronne traditionnellement les études en cinéma d’animation. C’est avec Augustin Guichot qu’il s’associe pour réaliser Le Client, un court métrage animé aux ambiances inspirées de David Lynch.

« Je recherchais des personnes qui avaient une personnalité artistique forte pour pouvoir apprendre d’eux et me greffer sur leurs projets en m’adaptant à leur style »

Clément Thoby lorsqu’il travaillait en animation

Il dessine sur son temps libre à la recherche de son style. « Je comptais plutôt sur les autres. Je recherchais des personnes qui avaient une personnalité artistique forte pour pouvoir apprendre d’eux et me greffer sur leurs projets en m’adaptant à leur style ». Clément Thoby confie qu’à cette période il a un blocage lorsqu’il dessine pour lui. « Je n’y arrivais pas. Je n’avais aucune confiance en moi. À aucun moment je me suis dit, je vais me mettre à mon compte. Je vais avoir mon style. Je vais faire de l’illustration. Je me disais, l’idéal serait de pouvoir travailler en décor sur des productions qui me plaisent ». Le temps n’est pas encore venu pour la carrière artistique personnelle. C’est sur la série Lastman qu’il fait ses premières armes. Il y apprend les fondamentaux du cadrage, de la perspective et de la mise en scène. « Ça a été très intense, très formateur, mais aussi très technique. Je ne faisais pas du tout de couleur. Cela me frustrait ». Il poursuit son début de carrière en animation sur les décors pour des séries. Il travaille sur Ariol et Chien Pourri, les adaptations animées des livres de Marc Boutavant. Il y fait la connaissance de Marie Lelullier, sa chef décoratrice et Davy Durand, réalisateur et illustrateur qui lui apportent de précieux conseils sur le rythme et la simplification du dessin.

Si le croquis était une vraie culture durant ses études à Estienne et à Sainte-Geneviève, il en est vite dégoûté. Il ne pratique plus en arrivant à l’EMCA à Angoulème. Ce n’est que des années plus tard qu’il redécouvre ce format et y prend goût. En 2017, au cours d’un voyage aux Etats-Unis, il fait une expérience qui va définitivement changé la direction de son travail. Il dessine pour la première fois avec de la craie à la cire. C’est une première révélation. « Cela m’a beaucoup amusé. J’ai été très agréablement surpris par l’enthousiasme de mes proches à mon retour en France ». Cette première satisfaction d’un travail plus personnel le pousse à persévérer sur son temps libre en parallèle des productions en animation sur lesquelles il travaille.

« C’est à ce moment que j’ai pu rencontrer d’autres illustrateurs et découvrir ce milieu que je connaissais assez peu. Je me suis rendu compte que cela m’intéressait de plus en plus »

Clément Thoby à la Foire de l’illustration de Bagnolet – 2019

C’est aussi à cette période qu’il débute sur instagram. On lui prête un rez-de-chaussée dans un atelier d’architecte, passage du Ponceau dans le deuxième arrondissement de Paris. Clément y fait sa première exposition et vend ses premiers dessins. Les retours sont encourageants. Il ne songe pas pour autant à quitter la sécurité des grosses productions. Un de ses grands désirs n’a pas encore été réalisé. Depuis l’école, il rêve de travailler sur un long métrage. C’est Le Sommet des Dieux, le film adapté du manga de Jirō Taniguchi, qui lui permet de franchir cette étape. En 2019, Clément vend ses premiers tirages aux Puces de l’illustration de Bagnolet. Cette foire organisée par le Campus Fonderie de l’image rassemble le temps d’un week-end les professionnels de la création graphique dessinée. « Il y avait beaucoup de monde à cette foire. C’est à ce moment-là que j’ai pu rencontrer d’autres illustrateurs et découvrir ce milieu que je connaissais assez peu. Je me suis rendu compte que cela m’intéressait de plus en plus ». Il reçoit à cette occasion sa première commande professionnelle en tant qu’illustrateur.

En mars 2020, alors que le confinement mondial commence et que les productions tournent au ralenti, Clément met tout son temps à profit. Il produit et publie ses créations personnelles sur les réseaux sociaux. Un article du média It’s nice that lui donne une forte visibilité et lui apporte ses premiers clients dans la presse allemande et japonaise. « J’ai vite frôlé le burn out pendant ce confinement. Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus tout faire, que je n’avais pas assez d’heures dans une journée, et que j’arrivais à un tournant où il fallait que je choisisse. Très clairement, ce qui me motivait le plus, c’était l’illustration ». Heureux d’être allé au bout de son travail en animation, il se lance à temps plein en illustration à l’été 2020.

Ce que je trouve très intéressant en illustration c’est que l’on peut me proposer un projet auquel je n’aurais jamais pensé


Clément Thoby – mai 2021

Aujourd’hui il dessine ses commandes presque exclusivement aux crayons de couleur. On retrouve son travail dans la galerie Inventaire, en face du Centre Pompidou ou chez Artazart, la librairie d’art au bord du canal Saint-Martin. Il confie sa préférence pour les techniques traditionnelles. « En fait c’est un plaisir. J’en avais marre d’être uniquement sur l’ordi. C’est un plaisir unique ». Si sa technique est presque intégralement à la main, Clément tire son inspiration de ses découvertes sur internet. Les confinements successifs n’ont pas favorisé les voyages et le dessin d’après nature. Cela ne dérange pas Clément qui confie avoir une préférence pour le travail d’après photo dans son atelier. Il voyage au Pays-Bas, en Ecosse, en Angleterre et au Japon depuis son bureau. Il aimerait déployer son travail sur d’autres supports et à des échelles plus grandes. « J’aimerais essayer d’autres choses, voir mes dessins reproduits sur des vitrines, des fresques, des lieux. J’aimerais travailler avec des scénographes, des graphistes, des architectes et penser l’œuvre en même temps que l’espace ».

En attendant de découvrir la suite de son travail, vous pouvez faire un tour sur son site ou le suivre sur instagram @clementhoby.


Ses inspirations

Lorenzo Mattotti, David Hockney, Andrea Serio, Kokooma, Beya Rebai, Gustav Klimt, Félix Vallotton, Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, Jean Mallard, Kazuo Oga, Edward Hopper, Jorge Gonzales, Manuele Fior, Cyril Pedrosa, Stephen Shore, André Derain, Hayao Miyazaki, Tom Haugomat, Kate Bush, Joey Yu, Hiroshige, Patti Smith, Kate Bush


Ses outils

La craie à la cire (grande révélation durant son voyage aux Etats-Unis en 2017), les crayons Polychromos Faber Castell et surtout les Luminans de chez Caran d’Ache qui sont « très denses, bien couvrants », un scanner agrandisseur de chez l’atelier Cosy Pixel, Photoshop pour la retouche des illustrations.


Où le retrouver ?

Son site | clementthoby.com
Insta | @clementthoby