
Quel matériel pour la gouache ? (2/5)
Dans le premier épisode de la série “Comment peindre à la gouache ?” nous avons essayé de nous mettre dans les meilleures conditions possibles pour nous lancer avec cette technique. L’objectif n’est pas de devenir un “grand artiste”, un illustrateur ou peintre professionnel mais simplement de s’autoriser à créer quelque chose : découvrir le plaisir d’être créateur. Vous pouvez lire l’Etat d’esprit, le premier épisode de cette série si ce n’est pas déjà fait.
Faut-il du matériel professionnel ?
Lorsqu’on commence une discipline nouvelle, se pose la question du matériel nécessaire pour la pratiquer et pour progresser. Que ce soit en musique, cuisine, sport… c’est toujours le même enjeu : « Ai-je le bon matériel qu’il faut pour y arriver ?« . Et avec cette question vient souvent une croyance, “si je n’ai pas le bon matériel, je n’y arriverai pas” ou encore “C’est parce que cette personne à ce matériel qu’elle y arrive”. Et on est tenté d’acheter un peu rapidement le meilleur équipement qui soit, pensant que cette guitare électrique à 3500€ ou ce set complet de sport est absolument nécessaire à notre parcours de progression.
Je suis le premier à défendre qu’il faut investir dans du matériel de qualité. Mais il me semble que derrière cet élan spontané pour du matériel de pointe se cache notre peur. La peur de ne pas être à la hauteur. Comme si la haute qualité des outils allait compenser la faiblesse de notre niveau.
Oui, il faut un équipement suffisamment qualitatif pour se voir progresser et ne pas perdre le goût de l’activité pratiquée. Par exemple, je me souviens que chez mes grands parents d’Ardèche il y avait dans un grand dortoir un piano complètement désaccordé. C’était une catastrophe et mes cousines qui suivaient des cours de pianos en venaient à ne plus pratiquer pendant les vacances tant c’était contre productif. Dans ce cas, la déficience du matériel est un frein à la progression.
Je suis le premier à défendre qu’il faut investir dans du matériel de qualité.
D’un autre côté, j’ai déjà vécu le cas inverse. Je suis sûr que vous avez déjà vécu cela aussi. Il s’agit de la fois où vous venez de vous passionner pour une nouvelle discipline depuis 3 jours. Vous cherchez à vous équiper avec un budget en tête. Au fil des pages de vente et des vidéos explicatives sur Youtube, vous êtes de plus en plus convaincu. C’est ce produit – qui fait 4 fois votre budget initial et que même le mec qui fait ça depuis 5 ans n’a pas encore – qu’il vous faut. Et vous cassez votre tirelire pour un matériel de compète. Vous recevez votre commande. Et que se passe-t-il ?
Vous pratiquez le premier jour. Vous avez peur de le casser, de l’utiliser. Et puis c’est tellement qualitatif comparé à votre niveau que vous commencez à vous sentir humilié par la technique. Je pense notamment à une boite de crayon 2 étages d’une super marque que je n’ai pas touchée de mon adolescence tant je n’osais pas en tailler les crayons. Je pense aussi à ces blocs de papier magnifique où chaque feuille coûte si cher que l’on ne se lance jamais.
Bref, vous avez compris. Il nous faut trouver le juste milieu. Un matériel de qualité suffisante pour faire du bon boulot. Tout en se laissant une belle marge de progression. N’est-ce pas une vraie satisfaction de passer le level suivant et d’acquérir un matériel de meilleure qualité qui vient comme récompenser nos efforts ? Alors c’est parti ! On fait le grand tour.
Le bureau
Avant toute chose, il va nous falloir un espace de travail dégagé pour accueillir le reste de notre matériel de peinture. Un bureau fera largement l’affaire si vous faites un peu de place dessus. Un plateau surélevé par deux tréteaux est aussi une option intéressante et qui permet d’avoir un terrain de travail facilement déplaçable ou démontable si vous comptez vos m2. J’utilise une table à dessin dont le plan légèrement incliné me permet d’avoir une bonne visibilité d’ensemble. Ce n’est pas nécessaire. Votre table fera l’affaire. L’essentiel est d’avoir suffisamment d’espace à droite et à gauche pour poser du matériel et prendre appui avec vos coudes. Vous aurez aussi besoin d’un minimum de profondeur en face de vous pour faire pivoter votre feuille si besoin ou poser un ordinateur, des références.
Le papier

Le papier est un élément discret mais crucial. On pourrait passer un peu vite sur le papier pour se concentrer sur de la peinture mais ce serait une erreur. Grave erreur. Le papier est le réceptacle de votre création et le garant de sa conservation. On va jouer sur 3 critères : le grain, le poids et l’acidité.
Le grain
- Fin ou satiné : la surface est lisse
- Grain moyen : le papier est un peu rugueux.
- Gros grain : vous avez du relief.
Pour la gouache, nous allons choisir un grain fin ou satiné afin de réaliser de beaux aplats.
Le poids
120 g/m² : croquis sec.
120 – 200 g/m² : techniques sèches.
224 g/m² : encre et gouache.
270 g/m² et supérieur : techniques humides.
La gouache nécessite moins d’eau que l’aquarelle. Il faut cependant un papier suffisamment épais. Le papier aquarelle est parfait. Au moins 200g, idéalement 300g. En dessous de 300g, on peut scotcher le papier sur une planche ou un châssis pour maintenir sa forme et éviter qu’il gondole.
L’acidité
- Avec acide
- Sans acide
- Sans acide, 100% coton
Les acides contenus dans le papier le dégradent peu à peu et le fragilisent. Il faut donc choisir un papier sans acide, au pH neutre, pour que les couleurs puissent conserver leur éclat. Le must est d’avoir du papier 100% coton mais c’est tout de suite très coûteux. Contentons-nous d’un papier sans acide pour le moment.
3 références
- Canson 200gr, sans acide https://www.boesner.fr/supports/papiers/papiers-dessin/papier-canson-imagine-200-g-m-2.html#description
- Hahnemühle 325g, sans acide (celui que j’utilise)
- Saunders Waterford Watercolor Paper : https://www.stcuthbertsmill.com/st-cuthberts-mill-paper/saunders-waterford-watercolour/ chez Sennelier ou chez le fabricant (pour dans quelques mois quand vous aurez vos pris vos marques)
Un matériel de qualité suffisante pour faire du bon boulot. Tout en se laissant une belle marge de progression.
La peinture

Passons à la peinture maintenant. Comme pour le papier, il en existe plusieurs avec des niveaux de qualité différents. On va se concentrer à nouveau sur 3 critères : les pigments, la qualité et le mode de séchage.
Composition des pigments
- Naturel
- Artificiel
La gouache peut être réalisée à partir d’un pigment naturel ou d’un mélange de pigment naturel. Elle peut aussi être fabriquée avec des pigments synthétiques. Les deux sont possibles.
Qualité
- Étude
- Fine
- Extra-fine
Séchage
- Immédiat
- Lent
Sélection
Suivant ces trois critères, je vous propose 4 marques de gouache intéressantes. Si vous avez vraiment peur de vous lancer, vous pouvez toujours vous amuser avec de la gouache pour enfant. Je vous recommande plutôt d’acheter une gouache un peu meilleur et de travailler sur des petits formats pour commencer. Voici les gouaches :
- Turner Acryl Gouache
- Holbein Acryla gouache
- Winsor & Newton
- Linel, Lefranc Bourgeois
Les gouaches Turner et Holbein sont des gouaches Acryla. Elles sont mélangées avec de l’acrylique. Leur temps de séchage est donc plus rapide. Cela permet la superposition de couches. Elles sont parfaites pour commencer. La gouache Holbein est celle que j’utilise en ce moment.
Les gouaches Winsor & Newton et Linel de Lefranc Bourgeois sont des gouaches extra-fines classiques et deux des rares à utiliser encore le liant traditionnel, la gomme arabique. De fabrication française, la Linel offre une belle longévité. C’est la prochaine gouache que je vais utiliser.
Les pinceaux

Les pinceaux dédiés à l’aquarelle fonctionnent bien pour la gouache. Là encore, nous allons faire attention à deux critères : la matière du pinceau et sa taille.
La matière
Trois possibilités s’offrent à nous :
- Fibre synthétique
- Petit gris (écureuil)
- Poil de martre
Le pinceau de qualité par excellence est celui en poile de martre car il a une tenue qu’on ne pas peut reproduire artificiellement. Le petit gris est aussi adapté. Pour le moment, j’utilise des pinceaux synthétiques Lefranc Bourgeois et ils me conviennent bien.
La taille
- Rond
- Plat
Inutile d’avoir beaucoup de pinceaux différents. Souvent trois suffisent. Un très fin, un simple et un large. Dans la gamme Lefranc Bourgeois synthétique, j’utilise 2 ronds en taille 0 et 4 et un plat de 10mm. Et cela me suffit pour tout faire sur un petit format.
La palette

Pour la palette, le choix est moins déterminant que le papier, la peinture ou les pinceaux mais vous pouvez gagner en confort et en style. Voici quelques possibilités :
- Plastique
- Metal
- Emaille
L’émaille, au-delà de la beauté de sa matière, vous facilite la vie pour son nettoyage. Vous pouvez utiliser une palette ou même de la vaisselle. Pour ma part, j’utilise pour le moment une palette en métal qui fait l’affaire.
Le réservoir d’eau

Prenez ce que vous voulez. Faites-vous plaisir. Pensez à plutôt prendre un verre transparent pour vous assurer que votre eau est toujours suffisamment claire. Évitez de prendre de la vaisselle à laquelle vous tenez. La peinture et l’eau peuvent laisser des traces. Un pot de confiture sera parfait.
Le crayon à papier

Vous pouvez vous en passer si vous aimez dessiner directement avec la peinture. Cependant, comme nous faisons une initiation, un crayonné sera bienvenu. Je vous recommande des crayons à papier sec comme du H. Cela facilitera grandement le gommage et laissera moins de traces sur le papier.
La gomme
Une gomme blanche. Celle que vous voulez.
La poubelle de table

C’est un petit accessoire que je me suis confectionné avec une boite de céréale ou quelque chose comme ça. C’est assez pratique pour tailler un crayon, évacuer des pelures de gomme sans se faire un tour de reins vers la poubelle à chaque fois.
L’éclairage
Pour le coup, c’est loin d’être un détail. L’idéal, c’est une lumière naturelle. Très souvent, elle vient à manquer. C’est mon cas puisque mon atelier est au nord. Ce qu’il faut c’est une lampe avec une lumière neutre, qui se rapproche de la lumière du soleil. Disons entre 5000 et 6000 kelvins. En attendant la Jielde que mon oncle est en train de restaurer, j’utilise une simple lampe Ikea qui est très bien.
Le scotch de masquage

Ce n’est pas obligatoire mais c’est un accessoire que je trouve fantastique. À quoi sert le scotch de masquage ? À préserver les bordures de votre image tout simplement. Vous pouvez aussi choisir un bord naturel. Mais perso, je trouve le rendu net permis par les scotchs magnifiques. J’utilise un Precision Mask Sensitive de Tesa qui est absolument parfait.
Et voilà, nous avons fait un bon tour du matériel nécessaire. À vous de choisir ce avec quoi vous voulez commencer. Nous nous retrouvons dans le prochain épisode pour se pencher sur la couleur. Ce sera l’occasion de passer à la pratique. Bon choix de votre équipement et à bien vite pour la suite !